Les enfants ne savent plus lire l’heure… sur une horloge à aiguilles: "On a l'impression de revenir en arrière"
Lire une horloge, tenir un stylo, tracer un carré, faire du calcul mental… Toutes ces choses que les enfants ont de plus en plus de difficultés à faire inquiètent les professeurs.
- Publié le 17-04-2024 à 09h29
”Madame, il est quelle heure ?” La question peut sembler anodine et pourtant elle interpelle de plus en plus de professeurs en primaire surtout quand une horloge analogique est accrochée au mur.
”Je me suis rendu compte en début d’année qu’un élève ne savait pas lire l’heure comme ça. L’horloge n’a plus de sens pour les enfants car il n’y en a quasiment plus. Sur les sept instituteurs, trois en ont encore dans leur classe”, note Christine qui enseigne depuis 27 ans. Une autre enseignante a vu un tiers de ses élèves incapable de répondre à une question du CEB qui demandait de lire l’heure sur une montre.
”Les tablettes ont remplacé beaucoup de choses”
Des primaires éprouvent aussi des difficultés à tenir correctement un crayon. “L’usage de la tablette est de plus en plus répandu à un âge assez jeune. Les enfants passent moins de temps à exercer la motricité fine”, explique Christine Achen, psychomotricienne.
Christine constate des lacunes auprès de ses élèves de 5e primaire aussi en lecture (deux enfants ne connaissent pas tous les sons), en vocabulaire (distinguer une poule d’un canard), en orthographe et calcul écrit comme mental, en géométrie (utiliser une latte pour tracer un carré). “Les tablettes ont remplacé beaucoup de choses.”
”L’outil digital, on ne peut y échapper mais on devrait laisser le temps aux enfants d’exercer le dessin, l’écriture, la lecture pour que ces compétences soient pleinement actives plutôt que de faire valoir le digital avant”, estime la psychomotricienne.
Le niveau baisse ?
Tous ces constats nourrissent une crainte des professeurs. “On a l’impression de revenir en arrière avec des enfants en 6e primaire qui ne savent ni lire, ni écrire. C’est un horrible constat, on va se retrouver avec des enfants illettrés comme dans les années 50'”, lâche l’institutrice.
Pour le psychopédagogue Bruno Humbeeck, l’école doit plutôt s’adapter à l’environnement et à la société qui changent. “On pense toujours que le niveau baisse mais en fait, le niveau change. Le monde se digitalise et le cerveau ne peut pas retenir toutes les connaissances”, précise-t-il.
Si certains savoirs s’acquièrent plus tardivement, ils sont remplacés par d’autres. Cela ne signifie pas que les enfants sont moins alertes. “La génération de verre qui est née avec les écrans n’est pas une génération en retard au niveau de l’intelligence. Elle se pose notamment plus de questions. Des compétences nouvelles vont prendre la place de compétences plus en anciennes et moins urgentes. On peut prendre plus de temps pour apprendre à lire. Les écrans sont de très mauvais baby-sitters mais des vecteurs d’apprentissage”, insiste Bruno Humbeeck.
Voir un adulte écrire à la main se fait rare. Par imitation, l’enfant tend plus à faire voler ses doigts sur un écran plutôt qu’à tenir un crayon. “L’école doit compenser cet appauvrissement par un apprentissage de manière explicite. Je plaide pour qu’on refasse de la calligraphie à l’école”, conclut Bruno Humbeeck.